EDITO
Il y a 70 ans, des femmes et des hommes, traumatisé.es par les horreurs de la guerre, offrirent aux générations suivantes, par leur action, la possibilité de mieux vivre. Par leurs revendications, par leurs luttes, à la force de leurs espoirs, ils battirent des socles pour une société plus juste, plus solidaire, plus protectrice pour les plus faibles. Ce sont ces fondements qui sont aujourd’hui piétinés par les politiques néo-capitalistes de nos dirigeants.
Face à cette politique de casse de nos conquis sociaux, levons-nous !
Levons-nous, car nous n’acceptons pas qu’on retire sa dignité à une vieille femme en la laissant avec sa culotte souillée, faute de temps pour un change. Levons-nous, car nous ne tolérons pas qu’un jeune homme, après avoir survécu aux tortures en Libye et risqué sa vie sur un frêle esquif en méditerranée, dorme sur le trottoir. Levons-nous, car nous ne voulons plus serrer les dents lorsqu’une mère sans abri est poussée à la porte d’une maternité, son nouveau-né sous le bras, avec seulement le numéro du 115. Levons-nous, car nous n’admettons plus qu’une enfant autiste reste chez elle sans accompagnement, fautes de places d’accueil adapté disponibles.
Levons-nous car nous ne voulons plus de collègues poussé.es à bout par le stress, car nous ne voulons plus de nos dos cassés dès 40 ans, car nous ne voulons plus de cette boule au ventre qui nous fait ravaler nos mots quand un petit-e chef-fe nous humilie, car nous ne voulons plus que des technocrates viennent nous expliquer comment faire mieux et plus rapidement notre métier sans avoir travaillé à notre place un seul jour de leur vie.
Pour la protection de l’enfance, pour le respect et la dignité de chacun, pour le Code du travail et les Conventions Collectives qui nous protègent, levons-nous ! Levons-nous, ne baissons plus la tête !
La révolution patronale en marche :
Les mutations à l’œuvre dans le champ du travail social redessinent les contours du patronat associatif. L’émergence des entrepreneurs du social à la tête de start-up ou de trusts télescope le modèle associatif subventionné par les pouvoirs publics. Une guerre ouverte a éclaté avec d’un côté le patronat de type paternaliste et de l’autre le patronat converti à l’é- conomie de marché. Dans cette partie de Monopoly®, tous les coups pour remporter la mise sont permis. Cette lutte de pouvoir entre les organisations patronales de Branche Associative du Sanitaire et Social (BASS) s’exprime dans les diffé- rentes instances représentatives. A ce petit jeu, Nexem, dernier né issu de la fusion entre la Fegapei et le Syneas, entend remporter la mise en fédérant les chantres de la marchandisation du travail social. Pour eux, la disparition du modèle as- sociatif subventionné par les pouvoirs publics est inéluctable. Avec la mise en concurrence des associations via les appels à projets, les fusions, les absorptions et les banqueroutes déjà à l’œuvre, se multiplieront et laisseront sur le carreau salarié-es et usager-es. Ce changement de paradigme permettrait à leurs yeux d’ouvrir les portes de l’action sociale aux diplômé- es des écoles de commerce, aux managers issus du privé lucratif, aux banques, aux fondations et aux fonds d’investisse- ment… Dans ce nouvel environnement, les entreprises sociales remplaceraient les associations et emprunteront sans complexes les méthodes du privé à savoir un marketing offensif, un management par objectifs, ou le développement d’activités rentables. Dans ce petit monde de startupers, de managers, de communicants et de capitaines d’industrie, des figures de proue émergent et structurent les entrepreneurs du social autour de clubs particulièrement actifs. Parmi les tê- tes de réseaux, nous retrouvons des proches d’Emmanuel Macron comme Jean Marc Borello, président du groupe SOS ou Christophe Itier, directeur de la Sauvegarde du Nord et pilier de La République en Marche à Lille ayant échoué aux élections législatives. Tout ce petit monde se retrouve à l’animation du Mouves (MOUVement des Entrepreneurs Sociaux). Ce club qui entretient d’étroites relations avec Nexem, se positionne comme un incubateur d’idées visant à re- modeler le visage de l’action sociale en faisant la part belle aux partenariats publics/privé et aux contrats à impact social.
La souffrance au travail tue !
Alors que la mortalité n’a jamais été aussi élevée chez les soignant-es, Macron s’engage encore plus féroce- ment dans des organisations de travail toujours plus délétères facilitées par la dérèglementation organisée cet été mais effective à l’automne… Journées de 12h, polyvalence, non-respect des jours de repos, sous- effectifs et procédures dégradées sont le lot des salarié-es du secteur sanitaire et social, avec toujours plus de stress et d’épuisement professionnel… réintro- duction du jour de carence pour les agent-es de la FPH afin de réaliser des économies… Quand on voit , dans les hôpitaux privés, des salarié-es fiévreux trainer leur carcasse dans les unités de soins, on sait ce que cela signifie, en terme de majoration des risques pour les patient-es et les soignant-es… Mais comme notre Ministre de la santé aura vacciné tout le monde contre tout (petit geste en direction des labos), rien de la sorte ne devrait se produire…
Faut quand même admettre qu’ils ont été pénibles avec Marisolde, les soignant-es, se suicider dans les hostos… c’était presque du harcèlement !
Nos organisations du travail soumises aux seules règles de la productivité seront plus folles et feront vraisemblablement exploser le taux d’accidents du travail et de maladies professionnelles déjà largement sous-estimés (puisque certaines boites paient des cabinets privés pour déclassifier les accidents ).
Et comme cela n’est pas suffisant, le fabuleux compte pénibilité, fruit de la collaboration active de certains syndicats et du patronat pour faire avaler la dernière pilule amère de réforme des retraites en janvier 2014, ne sera plus alimenté par les cotisations patronales. C’était le grand souhait du MEDEF… Mais là, où le truc devient proprement scandaleux, c’est que ce « compte pénibilité » rebaptisé « compte prévention » sera alimenté par la seule branche excédentaire de l’assurance maladie, c’est-à-dire celle des accidents du travail et des maladies professionnelles… Là, le cercle, il est loin d’être vertueux, plutôt vicieux au sens strict du terme…
Et comme le cynisme n’a pas de limites, la prévention sera encouragée via des accords collectifs et la boucle est bouclée avec le silence assourdissant de certaines organisations syndicales…
Menaces sur nos conventions collectives !
A défaut de convaincre ses partenaires UNIFED de s’engager à négocier une conven- tion collective unique sur un périmètre plus large, la Fehap a déjà réduit rémunération et temps de repos des salarié-es à deux reprises malgré de fortes oppositions sociales et avec une décision unilatérale autoritaire
Fegapei et Syneas, initialement plus timorés ont fusionné en NEX EM, converti à l’économie de marché. Ainsi, au prix de propagande, rencontres bilatérales, NEXEM a fait savoir sa volonté, du fait de la puissance acquise, de négocier en lieu et place de la CCN66 et des autres conventions, une convention collective unique…
C’était sans compter sur la résistance de la Fehap et d’Unicancer, qui n’avaient nullement l’intention de subir de nouvelles frondes sociales… La proximité de NEXEM avec l’entourage de Macron n’est plus à démontrer. Aujourd’hui, il semble de plus en plus évident que les conventions CHRS et CCN 66 vivent leurs derniers jours sous leurs formes actuelles et soient amenées à subir un profond « nettoyage et non pas toilettage »
Négociation entreprise par entreprise, salaires individualisés au mérite, perte de congés voire de la prise en charge de jours de carence... il y fort à parier que l’imagination des patrons sera sans limite pour paupériser les salarié-es et entrer de plein pied dans l’économie de marché.
Quand la finance débarque :
Inaugurés, en 2010 au Royaume-Uni, autour d’une expérimentation de réinsertion d’anciens prisonniers, les Contrats à Impact Social (CIS) ont débarqué en France l’an dernier. Les CIS s’articulent autour de 5 acteurs : les associations, l’État, un intermédiaire financier, un évaluateur indépendant et des financeurs privés. Après avoir identifié un « besoin innovant non pourvu », entendez par là, une source potentielle de profit, un agent intermédiaire conventionne avec une collectivité des objectifs et des taux de rémunération. L’intermédiaire se charge alors de prospecter des investisseurs en direction des fondations ou des banques, mais également de dénicher une association, sous la forme concurrentielle des appels à projet. En parallèle, un cabinet d’évaluation est désigné pour mesurer les impacts de l’action et soumettre l’association au management par les chiffres. Après ce déploiement, la partie de Monopoly® peut enfin commencer ! Une fois engagé sur le plateau, l’opérateur intervient dans un environnement quantifiable. La sélection des publics et la course aux résultats ne manqueront pas de provoquer de la souffrance éthique. En effet, des objectifs sont fixés et conditionnent le niveau de rémunération versé aux investisseurs privés par la puissance publique. Si les résultats sont en dessous, un parachute limitant les risques sera délivré, en revanche si l’opérateur a été « performant », un bonus sera octroyé et les investisseurs pourront réaliser une plus-value. En période d’austérité, certaines collectivités vont se saisir des CIS pour accélérer leur désengagement financier. Pour autant, les arguments d’économie ne tiennent pas ! La multiplication des acteurs est autant de parts supplémentaires à rémunérer. A court terme, les lignes comptables seront allégées, mais à long terme, avec les bonus ou les parachutes, c’est une véritable bombe à retardement. Les CIS peuvent en ce sens être comparés aux emprunts toxiques ou aux Partenariats Public Privé (PPP) qui assurent un niveau de rentabilité au privé sur le dos des pouvoirs publics et du contribuable… La course à la financiarisation du
social est ouverte !
Stoppons les appels à projet :
Les modes de financement de l’action sociale et médico-sociale se transforment. Avec la substitution des conventions pluriannuelles par des appels à projets qui sont en réalité des appels d’offres maquillés, les collectivités territoriales imposent la mise en concurrence des associations. De multiples structures ont déjà mis la clef sous la porte... Financés par des appels à projets, ces services ont été pressurisés par des objectifs tou- jours plus excessifs. Pour survivre et répondre aux chiffres, les professionnel-les ont été poussé-es à transformer leurs pratiques en ayant recours à la sélection sociale ou en abandonnant toute déontologie… Dans d’autres cas, l’arrivée d’un concurrent à but lucratif cassant le « prix du marché » s’est soldé par des fermetures de boîtes. Face à cette précarité financière, les associations sont contraintes de développer des ressources lucratives et à diversifier leurs financements en ayant recours aux fondations et aux mécénats. Les logiques concurrentielles et de dumping social des appels à projet sont inadaptées à notre secteur et nos métiers. Elles fragilisent par ailleurs le travail inter-partenarial. Comment coopérer ou porter des initiatives communes lorsque l’on sait que son voisin n’est plus un partenaire, mais un concurrent en puissance ? Ces appels à projets risquent à ter- me de favoriser l’émergence d’un travail social low-cost où la qualité de la relation avec l’usager-ère sera remplacée par la recherche du coût le moins élevé.
Loi travail XXL
Avant août 2016 Le Code du travail fixait un socle minimum de droits et de règles qui s’appliquaient à tout le monde. C’est lui qui définissait la durée légale du travail, le salaire minimum, l’égalité homme-femme, etc. Les accords collectifs (de branche/secteur d’activité ou d’entreprise) ne pouvaient pas être moins favorables aux salarié-es que ce que le Code du travail contenait. Ensuite, l’accord d’entreprise ne pouvait pas être moins avantageux pour les salarié-es que l’accord de branche.
Depuis, la loi Travail adoptée en août 2016 a inversé les normes sur l’unique cas du temps de travail. Ainsi, une entreprise, en accord avec un syndicat réformiste, peut faire travailler plus ses salarié-es, même si l’accord de branche prévoit un volume horaire plus faible. La validation de l’accord doit réunir des syndicats qui représentent plus de 50% des salarié-es aux élections professionnelles ; ou se faire par referendum demandé par une organisation syndicale minoritaire.
Demain : Dans son programme, le Jupiter Macron propose que “les règles qui régissent le quotidien des salarié-es soient fixées au plus près de là où ils travaillent, dans l’entreprise”. Le projet d’Emmanuel Macron est d’inverser totalement les normes pour que la primauté de l’accord d’entreprise ne soit plus cantonnée au temps de travail mais ouverte à d’autres domaines, comme les salaires, les conditions de travail, la formation. Par exemple, c’est directement dans l’entreprise que serait décidé le niveau de majoration des heures supplémentaires. La validation de l’accord devra réunir des syndicats qui représentent plus de 50% des salarié-es aux élections professionnelles ; ou par referendum demandé par une organisation syndicale minoritaire, cadeau aux syndicats réformistes ces derniers n’auront pas besoin de court-circuiter les syndicats majoritaires en demandant un référendum, l’employeur pourra le faire à leur place. L’employeur pourra négocier les accords avec les élu-es du personnel quand il n’y aura pas de syndicat dans la boite. QUID des Syndicats ? Les employeurs auront tout loisir de « négocier » avec des élu-es non formé-es. Pour nous, cette « simplification » du code du travail c’est en réalité un code du travail diffèrent boite par boite. C’est la porte ouverte au dumping social, à la concurrence et à la casse des droits sociaux...